La vie de Zao Wou Ki, c’est l’itinéraire d’un artiste Chinois venu en Occident

L’aventure de ce peintre découvert par Henri Michaux, c’est aussi l’histoire de la peinture contemporaine et de ses métamorphoses.

Né à Pékin en 1920 et inspiré par plus de 10 siècles d’art chinois, Zaou Wou Ki deviendra l’un des plus grands peintres d’Occident.

Toutes ses interviews, et prises de paroles ont été autant de témoignages de ce qui se passe entre le peintre et la toile. C’est une promenade dans la peinture, une sorte de « psychanalyse du pinceau » et surtout une incitation à mieux comprendre les mécanismes de la création.

A l’instar de Rembrandt, il lui avait été demandé de faire son auto portrait ,à l’antenne cette fois : il se présentait comme né d’une famille de grands bourgeois de Pékin, ayant reçu une éducation très sévère , soulignant toutefois avec une certaine tendresse le soutien reçu de son père banquier, passionné de peinture , qui plutôt que de le voir suivre les traces paternelles pour embrasser « une profession malhonnête consistant à profiter de l’argent des autres », l’encouragea à vivre sa passion et suivre une carrière artistique.

A l’école traditionnelle chinoise on enseigne la littérature classique ancienne et la calligraphie qu’il débutera à l’âge de 6 ans et qui selon ses propres mots lui ont inculqué une véritable discipline – subie certes – mais qui lui donnera incontestablement un avantage pour la suite.

Il entrera à l’académie des Beaux-Arts de Hangzhou à 14 ans

et passera de la calligraphie au fusain puis à la peinture à l’huile .

Arrivé à Paris en 1946, il rencontre des peintres, des écrivains, comme Soulages, Miró, Vieira da Silva ou encore Claude Roy et André Malraux ( à qui il devra l’obtention de la nationalité française).

Il faut dire que l’époque est riche en évènements.

Paris est reconnue alors comme étant le symbole de l’internationalisme culturel et comme centre de l’art : on parle de l’Ecole de Paris pour désigner la communauté d’artistes de toutes origines qui y travaillent et font vibrer la Ruche de Montparnasse.

C’est là qu’il apprendra le français et « découvrira sa vraie personnalité artistique »

Quand il reviendra à Hangzhou en 1983, invité par le ministère de la culture il demandera à voir les oeuvres des élèves à la seule condition de pouvoir exprimer ce qu’il en pense et les Autorités ne seront pas déçues : Il dénoncera avec amertume un « style socialiste réaliste à la chinoise ».

Le fusain lui semble avoir été travaillé comme un crayon, et il déplore l’absence de personnalité des oeuvres qui paraissent toutes avoir été réalisées par une seule et même personne : il s’agit pour lui d’une peinture académique, figée et sans intérêt.

Fort de ce constat, il acceptera de rester un mois à l’Académie pour permettre aux étudiants d’intégrer cette critique et d’en positiver les résultats. Sa femme Françoise Marquet viendra même le rejoindre pour dispenser un cours sur l’évolution de la peinture.

Sensible et conscient du fait que le soutien sans faille et les encouragements de son père ont été la rampe de lancement de l’expression de son art et de sa consécration ultérieure, il prendra à coeur un réel devoir moral de transmission !

Peindre n’est pas réciter une leçon ! Il entend réveiller l’indépendance et la liberté des futurs artistes.

Peindre ne consiste pas à remplir une surface : le pinceau est un vecteur d’émotion, le choix de chaque couleur a une raison d’être.

Il expliquera que dès le départ, la peinture abstraite était une nécessité d’expression pour lui et émerveillé par l’Occident il a voulu « sortir » de l’Art chinois et se départir de cette étiquette. Il lui a alors suffit de regarder les autres pour décider de faire autrement et sans limite. Au-delà de Paris, il s’intéressera à la peinture américaine qui lui semblera plus spontanée que la peinture européenne.

Peintures à l’huile, aquarelles, estampes, céramiques , encres de Chine , l’oeuvre de Zao Wou Ki est aujourd’hui présente à travers 150 collections et 20 pays et sa cote apparait à son zénith : en 2019, un triptyque de dix mètres de long – la plus grande pièce du Maître – a été adjugé 65 millions de dollars.

Je suis pour ma part très sensible – outre à la beauté de ses oeuvres – à l’inlassable curiosité de l’artiste instaurée comme moteur de recherche personnelle, à l’acharnement mis dans la volonté de transmettre, à l’humilité de reconnaître que sans le regard confiant et encourageant d’un père le chemin suivi aurait sans doute été différent.

La Fondation Zao Wou Ki créée en Suisse du vivant de l’artiste rend hommage et invite à connaître l’étendue et le trésor de son oeuvre afin de poursuivre ce travail de transmission.

Engagés dans les Beaux – Arts en France à travers notre propre Fondation, mon épouse et moi-même sommes également investis dans celle-ci aux côtés de la veuve de l’artiste et je vous invite à en suivre l’actualité et à découvrir les pièces laissées en héritage. https://www.zaowouki.org

Zao Wou Ki s’est éteint en 2013 à Nyon en Suisse.

En février 2020, aux premiers jours de la mondialisation avérée de la pandémie née en Chine, il aurait eu 100 ans.

On peut se demander quel regard il aurait porté sur tout ça, lui qui avait bâti un vrai « pont des arts » entre la Chine et l’Occident ?