L’art est partout. Il nous donne cette incroyable force de faire face à l’adversité*.

L’art est partout. Il nous donne cette incroyable force de faire face à l’adversité*.

… Oui mais aujourd’hui les musées sont fermés. Durant la pandémie beaucoup ont dû s’adapter et imaginer des solutions créatives pour rester « ouverts » au public.

Certains ont par exemple proposé des visites gratuites en ligne comme le Louvre à Paris, le Reina Sofia à Madrid ou le Rijksmuseum à Amsterdam.

Evoquer via ce blog certaines oeuvres, est une façon de partager une émotion et les réflexions qu’elles suscitent en attendant des jours meilleurs….

En 1937, dans le contexte de l’époque – où le désordre règne (déjà) en France – le Front Populaire « vieillissant » avait imaginé l’organisation d’une Exposition internationale, inspirée de l’idée initiale des organisateurs de l’Exposition des Arts Décoratifs de 1925.

Cette Exposition Universelle des Arts et techniques devait être celle du Monde moderne

Le but était de couvrir tout un quartier de Paris (de la colline de Chaillot à la place d’Iéna) et d’y inviter tous les pays du monde à exposer leurs travaux. Cette exposition devait représenter l’Univers, la Société nouvelle issue des progrès récents.

Raoul Dufy est alors pressenti pour réaliser une oeuvre destinée à célébrer la gloire de la Fée Electricité

En 10 mois cet illustrateur ambidextre aux multiples talents, aidé de deux assistants, va réaliser ce qui aujourd’hui encore reste le plus grand tableau du Monde d’une superficie de 600 m2 !

Celui-ci vient tout juste d’être restauré et pourra être (re)-découvert au Musée d’Art Moderne de Paris quand cela sera à nouveau possible.

Composé de 250 panneaux vissés les uns aux autres, il représente une fresque fluide sur laquelle le regard glisse pour découvrir un déroulé d’instantanés où rien n’est oublié : champs, nature, usines, scènes populaires de la vie où se succèdent bals musettes et premières enseignes au néon….

IL consigne la présence d’objets qui ont marqué l’irruption de l’électricité dans nos vies, scellant définitivement la disparition de ces brigades d’allumeurs de lanternes au gaz qui arpentaient les rues quand tombait le crépuscule.

On y trouve les silhouettes des grands savants comme Archimède, Thalès et Aristote et d’autres plus anonymes comme celles des premiers aiguilleurs du ciel de l’Aéroport du Bourget.

Plus de 108 savants sont glorifiés sous le pinceau de Dufy, tous contributeurs d’une découverte fondamentale.

On retrouve Edison et l’illumination du Pont Alexandre III, premier monument à être ainsi « mis en lumière », Volta et la première plie, le télégramme de Monsieur Morse ou encore l’électricité de la foudre de Franklin.

La seule figure féminine de cette « épopée artistique » est Marie Curie représentée de dos : à l’époque, « science » semble n’être féminin qu’au niveau grammatical.

En y regardant de plus près on trouve la reproduction de la découverte d’un physicien italien méconnu du XVIIIème siècle, Luigi Galvani et sa révélation de 1797 : en touchant le corps d’une grenouille morte, il constata une réaction électrique réalisant ainsi qu’à l’intérieur des organismes se trouvait une forme d’électricité .

Ignorée pendant près de deux siècles, son invention est à l’origine de nos grands progrès médicaux avec les électrocardiogrammes et autres défibrillateurs dont nous serions aujourd’hui bien en peine de nous passer.

Cette oeuvre de Dufy est un hymne à la découverte et chaque séquence nous fait vibrer pour la Science. C’est aussi une invitation à mener notre petite enquête sur des points précis, des inventions entrées dans la conscience collective et participant aujourd’hui à notre confort et bien être.

Plus qu’un progrès continu, ce qui frappe au fil des siècles c’est que nous procédons par succession d’avancées foudroyantes et de risques imprévus.

Il est difficile d’appréhender en temps réel les conséquences de nos décisions et ce que nous redoutions parfois peut se muer en avancée indispensable..

La fresque de Raoul Dufy témoigna à l’époque du rayonnement de l’art français.

Aujourd’hui, ce genre de flânerie artistique nourrit l’âme et incite à la réflexion peut être davantage que ne le font les discours. Elle nous permet, en images, d’appréhender la réalité du Progrès et de notre évolution… jusqu’en 1937.

Pas sûr que 600m2 suffiront pour représenter la suite jusqu’à nos jours troublés…

Les hommes font l’histoire, mais ne savent pas l’histoire qu’ils font – Raymond Aron

*Malou Moulis