09 Déc Le temps du vivant
La période de fin d’année est souvent propice à des réflexions nostalgiques voire métaphysiques, à la prise de conscience plus aigüe du fait que le temps passe et ne reviendra pas …
Il est un écrivain français – et non des moindres – qui a toujours exprimé une réelle fascination à l’égard du temps. Je veux parler de Jean d’Ormesson qui y a consacré de nombreux ouvrages.
L’un de ses derniers titres – le guide des égarés – sorte de flânerie philosophique articulée autour de 29 mots clés, en donne une définition très juste :
« Pour familier qu’il soit et omni-présent dans nos existences rythmées à grands coups de calendriers, découpées en secondes, heures, semaines, siècles, il n’en demeure pas moins insondable. Il n’est pas l’oeuvre de l’homme et n’est soumis à aucune évolution. Et pourtant il existe puisque nous vieillissons et mourrons, que tout passe et tout s’en va…
Nous savons tout – ou presque- de la matière, de l’air, de l’eau, et même de la pensée, mais au fond rien de ce temps dont le mystère effrayant finit par nous sembler d’une évidente simplicité ».
Dans le monde du vivant, le temps contrôle aussi bien le gêne, la cellule que la fonction d’un organe, rythmant tout autant la vie d’un organisme quel qu’il soit, que d’un homme ou d’une population.
Contrôler la longévité et s’attacher à comprendre la mort cellulaire est un défi qui pourrait s’apparenter à une certaine quête d’immortalité.
La science, sous des noms et selon des spécialités diverses déchiffre l’espace et le temps et tente à partir d’expériences, d’hypothèses et de déductions de comprendre la vie et de trouver des aménagements pour la prolonger.
Si l’on regarde en arrière, la vie est apparue sur terre il y a près de 4 milliards d’années sous la forme d’êtres unicellulaires dont l’évolution de certains a donné naissance à toutes les espèces connues à ce jour. Cette sorte de lointaine filiation tendrait à expliquer l’unicité du code génétique.
De tous les êtres vivants, les bactéries sont ceux qui ont su le mieux s’adapter aux changements climatiques, géologiques, écologiques ayant affecté la Terre au cours des âges.
Au fil du temps, ces bactéries se sont diversifiées et ont acquis de nouvelles dispositions propres à leur permettre de conquérir les biotopes les plus divers.
Elles forment une sorte de « super-organisme » planétaire invisible dont les scientifiques s’attachent à apréhender la diversité et comprendre la complexité.
Il est fascinant de constater que pour elles en revanche la mort ne signifie rien : elles sont toujours prêtes à se sacrifier pour la survie de l’espèce car assurées de pouvoir renaître à la moindre occasion propice.
Les scientifiques comparent leur caractère unicellulaire à une sorte d’individualité qui pour autant ne les empêche pas de se rassembler en communauté très structurée.
Le développement mondial de la résistance aux antibiotiques semble être un exemple redoutable de l’efficacité de cette « assistance inter-microbes »
Apparues les premières sur notre planète, pourrait-on imaginer qu’elles soient les dernières à nous survivre ?
L’homme est bien le seul animal qui a conscience de sa finitude : ce pourrait être une force mais l’absence de maîtrise et la sensation de vulnérabilité qui en découle en font sans doute notre plus grande faiblesse.
Et pourtant la mort est bien le but et l’issue incontournable de la vie, même si le mythe de l’immortalité reste intemporel
Certains visionnaires se sont attachés à mettre des mots pour « penser » le temps et la durée et nous aider à résumer une philosophie de vie optimale en réunissant toutes les valeurs temporelles de base exprimées par le verbe dans une même syntaxe, du genre : « comme le passé le futur nourrit le présent ». Cela peut-il être susceptible de nous aider ?
C’est la perspective de notre mort qui donne sens à ces expressions que nous avons coutume de si souvent répéter : « j’ai le temps, je n’ai plus le temps, le temps passe trop vite… »
Alors en y réfléchissant, la condition d’immortel ferait sans doute de nous des êtres infiniment paresseux ou infiniment fatigués : il n’y a donc peut-être rien à regretter…