10 Mar L’intelligence… vaste sujet qui pourrait être une fois de plus celui d’une épreuve de philosophie
L’intelligence est traditionnellement associée à la capacité de raisonnement et de réflexion d’un individu, opposée à l’instinct qui lui, est assimilé à une sorte de réflexe et serait donc le contraire d’une pensée élaborée. Dotés d’intelligence, nous sommes donc tous potentiellement capables de résoudre un certain nombre de problèmes et de nous adapter à un environnement.
On parle communément d’intelligence pratique, émotionnelle, ou autres déclinaisons.
Un certain nombre de techniques diverses et multisectorielles ont été mises au point pour permettre aux machines d’imiter une intelligence réelle. Par extension on parle désormais d’intelligence artificielle (IA) qui se trouve être de plus en plus en concurrence avec notre cerveau, touchant tous les métiers même les plus complexes.
Derrière l’IA, il y a une sorte de « sagesse programmée » qui consiste à prédire ce qui passera dans le futur à partir d’éléments tirés de l’étude du passé sur lesquels ont été appliqués des algorithmes propres à permettre de créer des modèles statistiques mathématiques.
Né en 1950 ce concept se trouve aujourd’hui implémenté dans un nombre toujours grandissant de domaines d’application.
Google, Microsoft, Apple, IBM, Facebook : le monde de l’informatique planche sur les problématiques de l’IA en l’appliquant à des domaines précis.
L’IA est par exemple présente dans les appareils photo des smartphones, rendant possible la reconnaissance faciale tant pour l’utilisateur d’un téléphone qu’à plus grande échelle pour identifier les personnes dans un aéroport.
On la trouve aussi dans le domaine militaire (prise de décision des drones), dans le secteur des Finances (évaluation des risques par exemple) en médecine (établissement de certains diagnostiques) dans les transports (gestion du trafic), en robotique ou encore dans les jeux vidéo et les industries … et le spectre ne cesse de s’élargir.
Où en est l’Europe dans tout ça ? Dans cette course qui est probablement l’une des plus importantes du moment, on ne peut que constater – et regretter – un retard qui sera difficile à combler en termes de nombre de financements, d’acquisition d’entreprises d’IA et de dépenses de R&D.
Le départ du Royaume Uni de l’Union Européenne risque de creuser encore un peu plus l’écart. Car les faits sont là : les USA restent incontestablement en tête avec les GAFAM ,Twitter, Netflix, talonnés par la Chine ( l’entreprise internet Baidu, l ’entreprise d’électronique Xiaomi, Alibaba qui génère des revenus plus élevés qu’Amazon..)
.. Et les possibilités d’utilisation s’accroissent de façon exponentielle dans des secteurs inattendus.
Un algorithme est actuellement testé au Togo dans le cadre d’un projet pilote pour détecter les personnes les plus vulnérables et leur envoyer directement de l’argent sur leur téléphone portable.*
C’est l’université américaine de Berkeley (USA encore et toujours…) qui a développé cet outil intelligent en utilisant des données satellitaires et cellulaires pour d’abord détecter les zones les plus pauvres et y déceler les personnes les plus démunies en analysant leurs données fournies par les sociétés de télécommunications.
C’est alors l’organisation GiveDirectly qui prend le relais et leur envoie de l’argent .
Un mot de cette organisation qui fait ainsi des dons directs depuis plus de 10 ans et a versé plus de 280 millions de dollars à 635 00 personnes sur le continent africain.
Associée à Google depuis l’année dernière elle a notamment créé Delphi, carte virtuelle détectant les zones nécessitant une aide accrue après une catastrophe naturelle : cela permet tant à GiveDirectly mais aussi aux ONG de mieux cibler l’octroi des aides .
Les chercheurs qui ont créé cet algorithme ont procédé par étapes, interrogeant d’abord un panel de 15’000 citoyens de régions pauvres du Togo sur leur situation et ont associé les informations ainsi récoltées aux données des téléphones mobiles : l’IA a ainsi pu retrouver elle-même des formules sans que l’outil ait été informé au préalable de ce qu’il devait chercher.
Les bénéficiaires identifiés reçoivent alors une notification pour s’inscrire via leur téléphone portable et reçoivent un versement à retirer dans un commerce local, soit en l’occurrence 15 dollars pour les femmes, 13 pour les hommes, une fois par mois pendant 5 mois afin de couvrir leurs besoins vitaux.
Une équipe d’audit effectue un suivi pour vérifier la réception, évaluer l’expérience et mettre à jour d’éventuelles fraudes.
Les problèmes de confidentialité ont été réduits par le cryptage des données, même s’il faut reconnaître que le principal écueil réside dans le fait que tout le monde ne possède pas de téléphone.
On ne peut que saluer l’initiative de cette nouvelle fonctionnalité de l’IA et de la méthode employée par Givedirectly et l’université de Berkeley en cette singulière période de crise sanitaire.
Ce projet « sans contact » est dans l’air du temps et pourrait constituer une méthode efficace pour freiner la misère croissante liée à cette pandémie s’il venait à se démocratiser.
Le mathématicien Alan Turing est à l’origine de la notion d’IA dans les années 1950.
Le test alors mis au point – qui portait son nom – visait à faire interagir un sujet à l’aveugle avec un autre être humain et une machine. Si le sujet n’était pas en mesure de faire la différence, alors la machine était considérée comme « intelligente ».
Faut-il s’émouvoir aujourd’hui du fait que ce sont les ordinateurs qui nous demandent à nous humains, de prouver que nous ne sommes pas des robots ?!!
* Sujet traité dans l’émission Tout un monde / France Culture – janvier 2021